dimanche 6 décembre 2015

J'ai joué à Wastburg

Et j’ai passé un très bon moment tout comme les autres joueurs à ma table. L’ambiance de la grande ville surpeuplée et de sa garde largement corrompue a beaucoup plu. C’est d’ailleurs ce côté là du jeu, la corruption, qui a retenu le plus l’attention des joueurs. Leurs personnages avaient beaucoup de mal à faire confiance aux autres gardes. Bon, on a joué le scénar du livre de base, qui encourage pas mal le meneur à développer ce thème là. Les « cousins » de Dunker n’ont rien fait pour embellir l’image de la garde Wastbourgeoise.

Personne autour de la table n’étant familier avec Wastburg, nous avons fait comme le suggère le scénario fourni dans la base du jeu. Nous avons créé des personnages immigrés venus de Bern, une lointaine colonie du Waelmstat. Je dois dire que c’est une très bonne idée qui nous a permis de lier les personnages entre eux et de leur faire découvrir petit à petit les joies de Wastburg. Les jets de dés pour savoir si oui ou non un personnage à telle ou telle pièce d’équipement ont également étés savoureux. C’est là un outil formidable pour étoffer les personnages, creuser leur passé et les circonstances de leur arrivée à Wastburg. Par exemple, un joueur a demandé s’il avait ces fameux cent gelders, la somme maximum autorisée par les règles. Il a obtenu un « oui, mais ». Ainsi il avait bien cet argent en arrivant à Wartburg, mais il a voulu s’acheter une petite chambre, une petite garçonnière pour recevoir les demoiselles peu farouches. Voilà qu’une lorritaine lui a vendu un appartement en plein centre avec vue imprenable sur la tour des majeers. Il s’est retrouvé avec un amas de cailloux soigneusement entreposé dans une brouette, elle-même poussée par un garde gringalet sous les ordres de Julder, le prévôt chargé de déblayer les dégâts fait par l’explosion de la tour. Ça nous a bien fait marrer.

Et comme certains de mes joueurs sont, justement, très joueurs, il y en avait qui voulaient aller jusqu’au bout des lancers de dés, même avec une double pénalité. Par contre, ils ne savaient plus trop quoi demander. Alors pour boucler les cinq jets, nous avons choisi de demander des réputations et des relations. Autant dire que l’ancrage des personnages dans Wartburg ne manquait pas de piment.

Au niveau du moteur de jeu, le Free Universal Roleplaying System peut surprendre de part sa simplicité. Il est expliqué en moins de deux minutes. Mais ce qui est réellement surprenant, c’est tout ce qui est apporté à la fiction par cette simplicité mécanique. Le moteur nous oblige à développer ce qui se passe dans l’histoire et a détailler les conséquences des actions des personnages. Il est fréquemment source de rebondissements. Par contre, je suis d’avis que pour une efficacité optimum, tous les joueurs autour de la table doivent être prêts à partager la responsabilité d’interprétation des jets de dés. Sans quoi le meneur (et là je parle de moi) va rapidement être à court d’inspiration, perdre la moitié de ses neurones et tomber dans la répétition, voire même le grand n’importe quoi.

Il y a un point de règle que j’ai choisi de modifier : la façon d’obtenir des aubaines, en introduisant les Croyances, Instincts et Objectifs du jeu de rôle Les Légendes de la Garde. Les joueurs gagnent une aubaine en fin de partie s’ils ont joué leur croyance ; une autre s’ils ont atteint leur objectif (mieux vaut avoir de petits objectifs réalisables en une session) ; et une aubaine à chaque fois qu’ils rendent la vie de leur personnage plus difficile en jouant leur instinct. Le bémol est qu’ils n’ont pas obtenu beaucoup d’aubaine, probablement moins que si on avait joué selon la règle du bouquin. D’un autre côté, ils ne les utilisaient pas tant que ça leurs aubaines. Maintenant reste à savoir s’ils ne les utilisaient pas parce qu’ils n’avaient pas pris le réflexe de le faire ou parce que, justement, ils n’en avaient pas beaucoup.

Mais bon, c’est un moindre mal parce que je pense qu’on pourrait presque se passer des aubaines. Le système est fait pour rendre les échecs aussi intéressants que les réussites. Quoi qu’il arrive, il crée de l’histoire. Et plus les joueurs pousseront leurs personnages vers des actions dangereuses, plus ils risqueront gros. En fait, le jeu peut très vite devenir mortel. Un joueur a perdu son personnage dès la première session. J’en profite d’ailleurs pour dire que le FU Roleplay System gère de façon très satisfaisante le joueur-contre-joueur : c’est ce qui a tué le personnage en question.

Parlons maintenant du scénario. J’ai beaucoup aimé sa présentation : une situation de départ intéressante décrite avec tous ses tenants et aboutissants en deux ou trois pages, et une pléthore de PNJ décrit succinctement mais avec tout ce qu’il faut pour les rendre intéressant. Ce sont eux qui occupent le plus de place dans le livret. Le scénario offre également quelques pistes, à la fin, sans pour autant être dirigiste (il ne l’est pas pour un sous). Bon, les joueurs avaient de gros doutes, dès le départ, sur qui était le meurtrier, mais ils ont eu plaisir à essayer de prouver qu’ils avaient tort (ou raison, selon le personnage).

Ma principale difficulté a été d’intégrer, dans ma petite tête comme dans la fiction, cette pléthore de PNJ, justement. Sans compter que nous en avions créé plusieurs autres avec les jets d’équipement lors de la création de personnage. Et ces PNJ, qui n’avaient strictement rien à voir avec l’enquête menée par les personnages, étaient généralement fortement liés à leurs croyances et objectifs. Je ne vous raconte pas la gueule du schéma actantiel que je me suis fait pour essayer de suivre tout ce petit monde ! Une vraie galère. D'un autre côté, Wastburg avait une vie propre à elle, en dehors de la « mission », et les personnages avaient une vie en dehors de la garde.

En fin de compte, la masse conséquente de PNJ m'a fortement intimidé. J'ai pris peur et la crainte de me laisser facilement déborder m'a dissuadé de jouer sur le long terme. Pourtant, mes joueurs auraient voulu qu’on se lance dans d'autres enquêtes et qu'on continue à explorer Wastburg. Le joueur qui préfère de loin les systèmes de jeu avec tout plein de crunch tout partout m'a même semblé être le plus déçu d'arrêter. Mais voilà, je me suis dégonflé. Et en plus j’avais trop envie de rejouer à Apocalypse World (girouette que je suis).

En tout et pour tout, le scénario aura tenu cinq excellentes séances de 3 heure, plus une dernière qui n’a durée qu’une heure parce que les personnages ont démasqué le coupable dès qu’on a commencé ! J'en garde un très bon souvenir et j'espère mes joueurs aussi. Qui sait ? Un jour reviendrons-nous peut être nous perdre dans les méandres de cette ville tentaculaire ? D'autant plus que j'ai deux extensions qui prennent la poussière sur les étagères. Et j'aurais aimé développer la taverne le Rat Mi-Cuit, meilleur nom improvisé dans ma vie de meujeu.