Après une période de plusieurs
années sans jeu de rôle, j’avais comme un vide dans mon dedans. Alors je me
suis offert la dernière version de l’ancêtre. À ce moment-là, c’était la 3.5 de
Donjons et Dragons. J’ai essayé d’y faire jouer et je me suis noyé dans les
règles et la somme astronomique de dons. Ce ne fût pas une super expérience.
Alors j’ai essayé le dK 1 et 2 sans grande conviction et effectivement, il n’y
a pas eu d’étincelle. Puis j’ai découvert les jeux indépendants américains.
J’ai pris des claques monstrueuses avec Burning Wheel et Apocalypse World ;
et j’ai fini par développer une forte aversion au dé à vingt faces et à tout ce
qui tourne autour de D&D et ses rétroclones de l’Old School Renaissance.
Rien à faire, impossible de lire quoi que ce soit issu de l’Open Game Licence
du d20.
Il y a bien des jeux qui ont
titillé ma curiosité, sans pour autant me donner envie de jouer. Oltréé !
par exemple. Malgré les outils excellents qu’il propose pour faire du sandbox, le
jeu m’est tombé des mains à plusieurs reprises. Sa mécanique ne m’a pas inspiré
et ne m’a pas donné envie de m’y plonger pour en comprendre les subtilités.
J’ai aussi trouvé Intothe Odd fort séduisant de par son format et son ambiance. C’est très
court (48 pages au format A5), ça contient un petit scénario et une région à
explorer. L’ambiance fait penser à un med-fan qui vient de faire ses premiers
pas dans l’ère industrielle, une sorte de Warhammer qui sortirait de la
renaissance. Les campagnes sont sauvages et enferment des secrets
obscures ; les populations sont en exode vers les villes, qui sont sales
et baignent dans les fumées industrielles ; la misère remplie les rue
alors que les beaux salons reniflent l’opulence à plein nez. Mais voilà, il manque
un petit quelque chose au jeu pour me donner envie de me lancer dedans. La
mécanique est parfaite pour jouer sur le pouce. On peut créer un personnage en
deux minutes chrono, sérieusement ! Mais le jeu ne propose pas grand-chose
pour jouer sans préparation. Dans le fond c’est clairement un jeu pour MJ avec
de la bouteille et à l’aise avec l’improvisation. Et je n’ai pas assez
confiance en moi pour me lancer dedans sans un soutien mécanique plus solide,
comme on peut trouver dans les actions d’Apocalypse
World.
Puis j’ai entendu parler de Beyondthe Wall and Other Adventures. Le jeu était présenté comme du donjon
old school à orientation sandbox, avec ce petit truc en plus qui a attiré mon
attention : les personnages sont tous des amis d’enfance qui ont grandi
dans le même village et les joueurs donnent vie à ce village en même temps
qu’ils créent leurs personnages. Moi qui aime bien la création collaborative du
décor de jeu, je me suis laissé tenter et j’ai acheté les PDF du jeu de base et
de son extension, Further Afield (pourquoi faire les choses à moitié ?).
Trois jours plus tard, j’avais fini de lire la base et j’avais commandé les
livres en arbre mort malgré les frais de port exorbitants.
J’ai trouvé un Donjons &
Dragons ce qu’il y a de plus classique. Les règles sont simples, efficaces, et clairement
exposées sur peu de pages. On retrouve les 6 caracs de l’ancien, la CA, les
jets de sauvegarde et les PV. Par contre, le jeu ne propose que 3 classes
(guerrier, voleur et magicien) et aucune race non humaine. Autant dire que ça ne
présage pas d’être très folichon. Avec seulement trois types de personnages, on
aura vite fait de tour et on risque de rapidement s’emmerder. Heureusement, les
auteurs (John Cocking et Peter S. Williams) donnent dans les options de jeu toutes
les directives nécessaires à la création de nouvelles classes et de races
non-humaines. Il suffit de travailler sur le multi-classage. Par exemple Ils présentent
un elf comme un mélange entre le guerrier et le magicien. Le tout est très vite
expliqué, en deux pages, mais ça reste clair bien que concis. Cela demande
néanmoins un peu de travail en amont et un bon sens de l’équilibre entre les
classes.
Mais John et Peter ont déjà fait
tout le boulot ! Et c’est là qu’ils donnent à leur jeu tout son
piquant ; toute sa saveur. En fin de bouquin sont regroupés des livrets de
personnages, qui rappelleront vaguement quelque chose aux amateurs d’Apocalypse
World. Ils permettent de créer des persos bien typés (l’apprenti de la
sorcière, le garçon de la forêt, celui qui rêve de devenir chevalier…) et bien
plus originaux que le simple guerrier qui sonne creux et qui attend patiemment
dans l’auberge l’arrivée d’une mission grassement rémunérée. Non, là les persos
sont tous des potes d’enfance. Ils ont grandi et vivent dans le même village.
Village qui prendra forme en même temps que les personnages lors de la
création. Tous les joueurs, MJ compris, ajouterons des éléments au village (qui,
vous allez rire, commence toujours par l’auberge, bien au centre de la carte).
En à peu près une heure, vous aurez fait des PJ bien intégrés dans un village qu’ils
connaissent bien, dans lequel vivent des PNJ auxquels ils tiennent (ou pas) et,
surtout, vous aurez déjà impliqué les PJ dans les troubles qui menacent la
prospérité du village. Les personnages commencent immédiatement avec de quoi se
lancer dans le premier scénario, qui est un ensemble de tables permettant de
générer aléatoirement des évènements autour d’un thème précis (la colère des
fées, un culte secret) en y impliquant les personnages.
En une séance de 4 heures, on
peut avoir créé les personnages et plié un scénario. Parfait pour du one-shot.
Si on en veut plus, il y a bien des accroches offertes à la fin de chaque scenario pack et le MJ devra se taper
toute la préparation ou recycler ses vieux scénarii s’il veut mener ses joueurs
au sommet de l’échelle d’expérience, le niveau 10. On retombe dans du jidéhère
classique. Ce n’est clairement pas assez pour moi. J’ai besoin d’être étayé par
une mécanique qui sache m’inspirer et me donner des éléments sur lesquels
broder. J’aime quand un jeu me mâche le boulot.
Et c’est exactement ce que fait Further
Afield. Dans cette extension, on trouve tout ce qu’il faut pour
arracher les PJ à leur vie champêtre pépère et en faire des aventuriers prêts à
battre les sentiers ardus pour assurer un futur meilleurs à leurs aimés… et se
remplir les poches au passage. L’ouvrage nous donne tous les outils pour jouer
de longues campagnes bac-à-sable. Voilà comment il propose de s’y prendre.
Tout d’abord, jouez comme le
décrit le livre de base : Créer les personnages, le village et jouer la
première aventure. Ensuite utiliser la deuxième session de jeu à créer votre
bac-à-sable. Chaque joueur va placer un lieu sur une carte vaguement précise
(il donne une direction cardinale et une distance entre proche, moyennement
loin et loin). Il doit dire comment son personnage à entendu parler de cet
endroit (une histoire qu’il a entendu, des recherches dans une bibliothèque) et
faire un jet qui déterminera si ce qu’il pense savoir est vrai ou si la vérité
a été légèrement déformée par les touches ajoutées ici ou là par les innombrables
bardes et voyageurs ayant entendu et raconté cette histoire. Puis chacun vient
rajouter son grain de sel sur les créations des autres. Au bout du compte, les
personnages se retrouvent avec des légendes plein la tête et les joueurs avec
plein d’endroits intéressants à aller explorer. Et ils auront certainement
envie de les explorer pour voir ce qu’en a fait leur meujeu. Parce que le
meujeu va maintenant rentrer chez lui et s’aider des directives du bouquin et
des tables de générations aléatoires fournies pour mettre tout ça au propre sur
une carte à hexagone, sans oublier d’y mettre ses gros doigts partout.
Mais c’est pas tout !
Qu’est-ce qui manque pour rendre une campagne vraiment intéressante et ne pas
en faire qu’une suite de PMT aléatoire ? Un fil rouge. Ce que Further
Afield ne manque pas de nous donner. Ce sont des Menaces. Il y en a
quatre dans le livre. Chacune présente une trame de fond sur laquelle poser une
campagne. Elles présentent des évènements qui ne manqueront pas d’arriver et
viendront doucement chambouler l’environnement des personnages ; à moins
qu’ils fassent quelque chose pour l’arrêter. Les Menaces sont prévues pour être
jouées sur le long terme (quand le gros méchant est un dragon à 30 dés de vie,
on y va mollo, même au niveau 10) et les auteurs conseillent de n’en utiliser
que deux aux maximum, sans quoi les personnages risquent de rapidement se retrouver
débordés.
Aussi—parce que bon… faut quand
même que les personnages soit un petit peu au courent qu’il y a une menace avant
de s’y intéressent—chaque Menace se termine par un petit tableau, qui sera
utilisé lors de la création de personnages afin d’en faire les témoins d’un
évènement présageant du mal à venir.
Beyond the Wall and Other
Adventures et son extension, Further Afield, m’ont donné envie de
me remettre à lancer des d20. La recette a l’air excellente et avec les bons
joueurs, la mayonnaise doit monter sans problème. En y ajoutant une pincée des
outils fournis dans Oltrée !, l’univers des personnages va se déployer sous
les regards des joueurs et tous seront surpris, MJ y compris. Et pour ceux qui
ont besoin d’elfs, de nains et autres petite-gens, il y a des livrets de
personnages en téléchargement libre tout prêt pour ça. Eux aussi sont bien
typés et ont tous de bonnes raisons d’être dans le village des personnages
humains. Vous trouverez également, toujours sur le net, d’autres livrets de
personnages villageois qui élargiront la palette de choix de vos joueurs. Il y
a même de quoi ajouter une maison noble au village et les livrets qui l’accompagnent.
J’espère qu’un jour nous verrons
ce jeu traduit en français. Nous sommes plusieurs dans ce cas-là. Certains
commencent à se dire qu’on ferait aussi bien de se lancer dans ce chantier
nous-même. Il y en a aussi qui ont des idées pour étoffer le jeu. Qui
sait ? Un jour peut-être…