Et
j’ai passé un très bon moment tout comme les autres joueurs à ma
table. L’ambiance de la grande ville surpeuplée et de sa garde
largement corrompue a beaucoup plu. C’est d’ailleurs ce côté là
du jeu, la corruption, qui a retenu le plus l’attention des
joueurs. Leurs personnages avaient beaucoup de mal à faire confiance
aux autres gardes. Bon, on a joué le scénar du livre de base, qui
encourage pas mal le meneur à développer ce thème là. Les «
cousins » de Dunker n’ont rien fait pour embellir l’image de la
garde Wastbourgeoise.
Personne
autour de la table n’étant familier avec Wastburg, nous avons fait
comme le suggère le scénario fourni dans la base du jeu. Nous avons
créé des personnages immigrés venus de Bern, une lointaine colonie
du Waelmstat. Je dois dire que c’est une très bonne idée qui nous
a permis de lier les personnages entre eux et de leur faire découvrir
petit à petit les joies de Wastburg. Les jets de dés pour savoir si
oui ou non un personnage à telle ou telle pièce d’équipement ont
également étés savoureux. C’est là un outil formidable pour
étoffer les personnages, creuser leur passé et les circonstances de
leur arrivée à Wastburg. Par exemple, un joueur a demandé s’il
avait ces fameux cent gelders, la somme maximum autorisée par les
règles. Il a obtenu un « oui, mais ». Ainsi il avait bien cet
argent en arrivant à Wartburg, mais il a voulu s’acheter une
petite chambre, une petite garçonnière pour recevoir les
demoiselles peu farouches. Voilà qu’une lorritaine lui a vendu un
appartement en plein centre avec vue imprenable sur la tour des
majeers. Il s’est retrouvé avec un amas de cailloux soigneusement
entreposé dans une brouette, elle-même poussée par un garde
gringalet sous les ordres de Julder, le prévôt chargé de déblayer
les dégâts fait par l’explosion de la tour. Ça nous a bien fait
marrer.
Et
comme certains de mes joueurs sont, justement, très joueurs, il y en
avait qui voulaient aller jusqu’au bout des lancers de dés, même
avec une double pénalité. Par contre, ils ne savaient plus trop
quoi demander. Alors pour boucler les cinq jets, nous avons choisi de
demander des réputations et des relations. Autant dire que l’ancrage
des personnages dans Wartburg ne manquait pas de piment.
Au
niveau du moteur de jeu, le Free Universal Roleplaying System peut
surprendre de part sa simplicité. Il est expliqué en moins de deux
minutes. Mais ce qui est réellement surprenant, c’est tout ce qui
est apporté à la fiction par cette simplicité mécanique. Le
moteur nous oblige à développer ce qui se passe dans l’histoire
et a détailler les conséquences des actions des personnages. Il est
fréquemment source de rebondissements. Par contre, je suis d’avis
que pour une efficacité optimum, tous les joueurs autour de la table
doivent être prêts à partager la responsabilité d’interprétation
des jets de dés. Sans quoi le meneur (et là je parle de moi) va
rapidement être à court d’inspiration, perdre la moitié de ses
neurones et tomber dans la répétition, voire même le grand
n’importe quoi.
Il
y a un point de règle que j’ai choisi de modifier : la façon
d’obtenir des aubaines, en introduisant les Croyances, Instincts et
Objectifs du jeu de rôle Les Légendes de la Garde. Les joueurs
gagnent une aubaine en fin de partie s’ils ont joué leur croyance
; une autre s’ils ont atteint leur objectif (mieux vaut avoir de
petits objectifs réalisables en une session) ; et une aubaine à
chaque fois qu’ils rendent la vie de leur personnage plus difficile
en jouant leur instinct. Le bémol est qu’ils n’ont pas obtenu
beaucoup d’aubaine, probablement moins que si on avait joué selon
la règle du bouquin. D’un autre côté, ils ne les utilisaient pas
tant que ça leurs aubaines. Maintenant reste à savoir s’ils ne
les utilisaient pas parce qu’ils n’avaient pas pris le réflexe
de le faire ou parce que, justement, ils n’en avaient pas beaucoup.
Mais
bon, c’est un moindre mal parce que je pense qu’on pourrait
presque se passer des aubaines. Le système est fait pour rendre les
échecs aussi intéressants que les réussites. Quoi qu’il arrive,
il crée de l’histoire. Et plus les joueurs pousseront leurs
personnages vers des actions dangereuses, plus ils risqueront gros.
En fait, le jeu peut très vite devenir mortel. Un joueur a perdu son
personnage dès la première session. J’en profite d’ailleurs
pour dire que le FU Roleplay System gère de façon très
satisfaisante le joueur-contre-joueur : c’est ce qui a tué le
personnage en question.
Parlons
maintenant du scénario. J’ai beaucoup aimé sa présentation : une
situation de départ intéressante décrite avec tous ses tenants et
aboutissants en deux ou trois pages, et une pléthore de PNJ décrit
succinctement mais avec tout ce qu’il faut pour les rendre
intéressant. Ce sont eux qui occupent le plus de place dans le
livret. Le scénario offre également quelques pistes, à la fin,
sans pour autant être dirigiste (il ne l’est pas pour un sous).
Bon, les joueurs avaient de gros doutes, dès le départ, sur qui
était le meurtrier, mais ils ont eu plaisir à essayer de prouver
qu’ils avaient tort (ou raison, selon le personnage).
Ma
principale difficulté a été d’intégrer, dans ma petite tête
comme dans la fiction, cette pléthore de PNJ, justement. Sans
compter que nous en avions créé plusieurs autres avec les jets
d’équipement lors de la création de personnage. Et ces PNJ, qui
n’avaient strictement rien à voir avec l’enquête menée par les
personnages, étaient généralement fortement liés à leurs
croyances et objectifs. Je ne vous raconte pas la gueule du schéma
actantiel que je me suis fait pour essayer de suivre tout ce petit
monde ! Une vraie galère. D'un autre côté, Wastburg avait une vie
propre à elle, en dehors de la « mission », et les
personnages avaient une vie en dehors de la garde.
En
fin de compte, la masse conséquente de PNJ m'a fortement intimidé.
J'ai pris peur et la crainte de me laisser facilement déborder m'a
dissuadé de jouer sur le long terme. Pourtant, mes joueurs auraient
voulu qu’on se lance dans d'autres enquêtes et qu'on continue à
explorer Wastburg. Le joueur qui préfère de loin les systèmes de
jeu avec tout plein de crunch tout partout m'a même semblé être le
plus déçu d'arrêter. Mais voilà, je me suis dégonflé. Et en
plus j’avais trop envie de rejouer à Apocalypse World (girouette
que je suis).
En
tout et pour tout, le scénario aura tenu cinq excellentes séances
de 3 heure, plus une dernière qui n’a durée qu’une heure parce
que les personnages ont démasqué le coupable dès qu’on a
commencé ! J'en garde un très bon souvenir et j'espère mes joueurs
aussi. Qui sait ? Un jour reviendrons-nous peut être nous
perdre dans les méandres de cette ville tentaculaire ?
D'autant plus que j'ai deux extensions qui prennent la poussière sur
les étagères. Et j'aurais aimé développer la taverne le Rat
Mi-Cuit, meilleur nom improvisé dans ma vie de meujeu.